la façade nord de style XVe
Le Coudray - façade nord

Tout comme le faisait George Sand pour sa demeure de Nohant, nous allons, tout d’abord tordre le cou à ce terme de « château ». C’est la coutume dans la région de désigner sous le terme de « château », les belles et anciennes demeures. Le Coudray est une maison de maître, une maison forte mais sûrement pas un château.

C’est en fait une ancienne capitainerie qui fut le siège d’un fief féodal. Il est déjà mentionné dans un aveu du XIIIe siècle.

C’est un poste avancé, une petite garnison en liaison avec les châteaux de SAINT CHARTIER et de LA BERTHENOUX (deux villages voisins) qui surveillait la vallée. Les limites du Berry sont à quelques kilomètres de VERNEUIL-sur-IGNERAIE et, dans la région, toute une suite de petites garnisons surveillaient les marches de la province.

Charles DUVERNET - portrait par G. Sand
Charles DUVERNET - portrait par G. Sand

Le bâtiment aurait été reconstruit au XIVe ou au XVe siècle, sur la base de celui du XIIIe.

Au début du XIXe siècle, le bâtiment était habité par M. de LOURDOUEIX et sa famille, qui s’était retiré à Verneuil après avoir été directeur d’une troupe d’écuyers acrobates.

C’est en 1808 que Charles-Nicolas ROBIN-DUVERNET, receveur particulier à La Châtre, acquit cette propriété pour faire un placement de fonds. Son architecture semble avoir très peu évoluée avant cet achat, puisque, son fils, Charles-Benoît ROBIN-DUVERNET le décrivit :

« Le bâtiment primitif, tel qu’il a été livré à mon père, se composait d’une cave, faisant actuellement le salon, et d’une grande cuisine sombre avec une seule fenêtre. Un escalier extérieur en pierre qui aboutissait sur le rudiment d’une tourelle carrée abattue et servant de plate-forme conduisait aux appartements du haut. C’étaient deux immenses chambres, séparées par un mur de refend, et qui toutes deux venaient aboutir sur le balcon, qui primitivement avait été une tour servant d’accès aux deux étages.

Primitivement, il n’y avait aucune ouverture dans les pièces du bas autre que la porte d’entrée dans la tour et les pièces du haut n’étaient éclairées que par des couleuvrines et des fenêtres grillées et fermées par des barres de fer. C’était évidemment une espèce de blockhaus servant à balayer la contrée et reliant les châteaux de Saint Chartier et de La Berthenoux.

Il existait une énorme fosse qui prenait son point de départ à l’énorme pin qui domine la pelouse et qui se prolongeait jusque vis à vis le cognassier, dont elle n’était séparée que par la largeur du chemin. C’étaient les restes des fossés qui avaient dû entourer l’habitation. »

Aurore Dupin de Francueil (future George Sand) est descendante de Maurice de Saxe (fils naturel de Auguste II et de Aurore de Königsmarck). Elle est la fille de Maurice Dupin (aide de camp de Murat) et de Sophie-Victoire Delaborde, fille d’un oiseleur parisien. Sophie-Victoire suivait les armées de Napoléon quand elle rencontra Maurice qui devait l’épouser malgré l’opposition de sa mère.

Cette dualité d’origine : patricienne par son père et plébéienne par sa mère devait marquer toute sa vie et influencer son œuvre littéraire.

Les deux familles, ROBIN-DUVERNET et DUPIN DE FRANCUEIL (famille de George Sand) étaient amis et faisait du théâtre et de la musique ensemble.

Quand, après la mort de son père, Aurore Dupin de Francueil fut recueillie par sa grand-mère en 1808, les deux enfants (Aurore Dupin et Charles Duvernet) pouvaient s’adonner à leurs jeux favoris. De là est née une amitié qui devait perdurer tout au long de leur vie et seule la mort de Charles en 1874, devait y mettre fin.

Après la mort de sa grand-mère, le 26 décembre 1821, Aurore dût chercher un mari : il était, en effet, inconcevable, au XIXe, qu’une jeune fille puisse rester seule (Elle avait alors 17 ans).

Le 17 septembre 1822, elle épouse Casimir DUDEVANT à la mairie du 1er arrondissement de Paris et à l’église de Saint Louis d’Antin. Casimir était surtout intéressé par la fortune confortable de la jeune fille.

Le mariage tourna très vite au fiasco, les deux époux ayant peu de goûts communs : Casimir s’intéressait plus à la chasse, aux chiens et aux servantes qu’à sa femme, il s’endormait quand elle lui faisait la lecture.

Portrait réalisé vers 1830
George SAND à 26 ans

C’est le 30 juillet 1830 qu’Aurore Dudevant se rend à l’invitation de son ami Charles-Benoît au château du Coudray. Elle trouva là Fleury (le Gaulois), Gustave Papet et un jeune homme de dix-neuf ans qu’elle ne connaissait pas : Jules Sandeau …

… A l’arrivée de Mme Dudevant, ce joli garçon s’éloigna du groupe, comme par discrétion, son livre à la main, et alla s’asseoir sur un banc de gazon, sous un vieux pommier. Cette réserve piqua la jeune femme. Elle entraina les autres vers l’arbre, et la conversation continua autour de Sandeau. (Lélia ou la vie de George Sand – André Maurois)

 

Portrait réalisé par G. Sand
Jules SANDEAU par G. Sand

Jules Sandeau était originaire d’Aubusson, dans la Creuse, ses parents habitaient La Châtre et il faisait des études de droit à Paris.

Pour revoir ce jeune homme blond, elle invita toute la société à se rendre à Nohant le lendemain. En prenant congé, elle se tourna vers Charles Duvernet : « Charles ! Je vous invite tous, et je dis bien … tous, à venir demain à Nohant ! »

Le 30 juillet 1830, le jardin du Coudray « est comme qui dirait le point de concours où nos deux planètes sont venues se rencontrer pour faire ensuite le voyage de la vie en commun » dira Georges Sand dans une lettre à son ami Emile Regnault. (Corr. GS – t. I lettre 383 du 15 mai 1831)

Ils se revirent souvent dans les petits bois des alentours ou dans le pavillon du parc de Nohant.

A l’automne de cette année 1830, Jules Sandeau repart à Paris pour continuer ses études. Aurore tenta de le rejoindre mais son mari Casimir ne l’entendit pas de cette oreille.

Après plusieurs scènes orageuses et surtout la découverte du testament de son mari, qu’elle considère outrageant pour elle, Aurore obtient un arrangement qui lui permet de vivre 6 mois par an à Paris, grâce au versement d’une rente, bien insuffisante cependant puisqu’elle dû « arrondir les fins de mois » en peignant des tabatières et de petites boîtes.

Elle part du Coudray avec une lettre de recommandation de Madame Duvernet mère qui était la cousine de Hyacinthe dit Henri de Latouche, le directeur du Figaro.

Sous le pseudonyme de Jules Sand, elle rédige en collaboration avec Jules Sandeau, plusieurs nouvelles publiées dans la « Revue de Paris », et un long roman en cinq volumes « ROSE ET BLANCHE ».

De retour à Nohant, elle prépare un nouveau roman « Indiana », son vrai premier roman.

Lorsqu’elle revient à Paris au printemps 1832 et que Jules Sandeau prend connaissance du manuscrit, il refuse de le présenter sous leur signature commune, se sentant indigne d’une telle collaboration. Elle avait donc un nom, SAND qui, bien que récent, commençait à être connu, mais pas de prénom. La légende raconte que se trouvant dans le bureau de son compatriote, de Latouche, lui aurait dit : « On est aujourd’hui la saint Georges, adopte ce prénom ! » Une autre version est donnée par George Sand elle même, dans « Histoire de ma vie » : « Delatouche, consulté, trancha la question par un compromis : Sand resterait intact et je prendrais un autre prénom qui ne servirait qu’à moi. Je pris vite et sans chercher celui de George qui me paraissait synonyme de Berrichon. (A cause des Géorgiques, sans doute ?) » (Note de la Correspondance de G Sand – Georges Lubin) 

Elle prend donc le pseudonyme de George Sand, tout d’abord avec un s, puis rapidement le s disparaît. « Georges Sand c’est moi, Jules Sand c’est mon frère… Par honte de lui, il ne veut point signer mes œuvres, par honte de moi je ne veux point les signer de son nom. » écrit-elle à Charles Duvernet. Cette rencontre fut donc, pourrait-on dire, le point de départ de sa carrière littéraire.

Gravure du XIXe réalisée à partir d'une aquarelle conservée au Musée George Sand de La Châtre, représentant la façade sud du Coudray.
Gravure du XIXe, tirée d'une aquarelle exposée au Musée George Sand de La Châtre

Pour en revenir au Coudray, l’état actuel daterait de 1850, année au cours de laquelle Charles-Benoît fit faire d’importants travaux pour « moderniser » la demeure, travaux très peu appréciés de George Sand puisque Charles Duvernet écrivit dans ses mémoires : « Madame Sand a l’habitude de me dire que je lui ai gâté son Coudray. Elle tenait à cette mare où les plantes grimpantes de toutes les espèces ornementaient les murs. Elle tenait à la maisonnette ornée de son escalier extérieur en pierre et de son perron massif. » (Mémoires de Charles Duvernet)

Il fit réaliser la belle façade de style XVIIIe que l’on peut admirer sur une aquarelle conservée au musée G. Sand de La Châtre.

Il donnait au parc l’extension qu’il a maintenant et faisait même venir les jardiniers d’Orléans pour s’occuper du jardin. « Nous allons au Coudray, Charles, Eugène et moi, avec les deux petites et la nounou. Nous faisons la route entre deux eaux. Au Coudray, pluie battante, réfugiés dans la serre, nous regardons les fleurs ; les innovations au jardin sont très bonnes. Nous repartons par un temps noir et rentrons pour dîner. » (Correspondance de G. Sand)

 

Le Coudray, janvier 2005